Cameroun : quarante-trois ans de déclin, l’agropastoralisme sacrifié par le régime Biya

Alors que Paul Biya règne sans parage sur le Cameroun depuis quatre décennies, le secteur agropastoral, notamment dans l'Adamaoua, s’enlise comme le reste dans la précarité. Bilan sans concession d’un pouvoir qui, par incompéence, négligence et corruption, a sacrifié les éleveurs et compromis l’avenir rural du pays. Le pays des grands troupeaux est devenu celui des vaches maigres. Le Cameroun a perdu ses marchés extérieurs comme il a perdu sa boussole politique.

CAMEROUN

Roufaou Oumarou

6/3/20252 min read

Depuis 43 ans, le Cameroun vit sous le règne sans partage de Paul Biya. Quarante-trois années marquées non pas par le progrès et la modernisation du pays réel, mais par une lente descente aux enfers de secteurs clés comme celui de l’agropastoralisme. Autrefois pilier de l’économie nationale, moteur d’intégration nationale et sous-régionale, ce secteur est aujourd’hui exsangue, trahi par l’indifférence, la corruption et l’inefficacité d’un régime hors-sol. D'après une récente étude, plus de la moitié des éleveurs ne tirent pas assez de revenus de leurs activités pour vivre decemment. Il sont en permanence en mode survie .

Dans les années 1970, 1980 et même 1990, le Cameroun approvisionnait largement ses voisins — Gabon, Guinée équatoriale — en viande et produits pastoraux. Cela représentait une manne pour des milliers de familles et pour toutes les régions du Septentrion, mais aussi une forme de diplomatie économique structurante dans la sous-région. Aujourd’hui, ces marchés sont perdus. Pourquoi ? Parce que les autorités ont préféré l’inertie à la vision, la négligence à la coopération régionale, la politique du ventre à la construction nationale.

Les causes de cette débâcle sont multiples, mais toutes renvoient à une gouvernance défaillante :

  • Une corruption généralisée étouffe l’initiative privée. Dans la vie courante, au contact des autorités à tous les niveaux, y compris les administrateurs et les services vétérinaires, l'éleveur est considérée comme une vache à lait de fonctionnaires pourris; le parcours d’un excorteur ou d'un transporteur de bétails est jonché d’innombrables barrières policières et gendarmesques, véritables postes de racket institutionnalisé.

  • Une chute de la qualité et de la productivité : sans politique de soutien structurée, sans accès au crédit, sans accompagnement technique, comment s’étonner que la viande camerounaise perde son attrait et les acteurs du secteur au sens large leurs revenus ?

  • Des plans "bidons" et dispendieux, souvent conçus dans des bureaux climatisés, ou même hors du Cameroun, sans aucune consultation avec les acteurs de terrain, ont englouti des milliards de FCFA sans aucun impact tangible.

  • L’insécurité chronique, notamment le phénomène des enlèvements d’éleveurs contre rançon, a durablement vidé les campagnes. Le gouvernement n’a réagi que tardivement, après des années de peur et d’exode rural. A un moment donné il a fall une manifestation pour convaincre le gouverneur de l'Adamaoua qu'il y a un problème grave d'insécurité.

  • Le déficit énergétique national, jamais résolu, empêche toute velléité d’industrialisation de la filière.

  • L’appauvrissement général du pays réduit la capacité d’achat sur le marché intérieur, tandis que les éleveurs doivent aussi faire face à une concurrence déloyale venue du Tchad, du Soudan ou de la Centrafrique, où les coûts sont artificiellement bas.

Quarante-trois ans après, le constat est implacable : le régime Biya a abandonné les éleveurs. Il a vidé de substance un secteur vital, compromettant la souveraineté alimentaire du Cameroun et aggravant la pauvreté rurale. À force de mépris, d’opacité et de clientélisme, le pouvoir a privé les pasteurs d’avenir. La récente annonce du Plan de Développement Agropastoral Durable (PDAD) pourrait marquer un tournant. Mais après tant de promesses trahies, qui peut encore y croire sans une rupture politique profonde ?

Par Roufaou Oumarou