Le choix du taureau géniteur : une sagacité pastorale héritée Garbaade- Halde -Kalhaldi - Ngarbaari

Dans cette réflexion inspirée, Daouda Dia Moussa éclaire avec finesse un pan méconnu de la sagesse pastorale peule : le choix du taureau géniteur. Loin d’un simple acte d’élevage, cette sélection minutieuse incarne une tradition ancestrale, où se croisent mémoire, esthétique, éthique et stratégie comportementale. À travers cette pratique rigoureusement codifiée, c’est tout un art de vivre pastoral qui se transmet, de génération en génération, comme un héritage précieux.

Dia Daouda Moussa

5/15/20251 min read

Chez les Peuls, peuple pasteur par excellence, la sélection du taureau géniteur ne relève ni du hasard, ni d’un simple critère de vigueur sexuelle. Elle obéit à une logique fine, fruit d’une sagacité pastorale transmise de génération en génération, où s’entrelacent esthétique, éthique, mémoire lignagère et observation comportementale.

Tous les mâles ne se valent pas : dans le troupeau, seul un nombre très restreint de veaux de sexe mâle accède au statut prestigieux de taureau géniteur ( Ngarbaari - Kalhaldi ). Le choix se fait selon une série de critères rigoureux, à la fois morphologiques et comportementaux.

Du côté maternel, la lignée de la vache doit être bien connue et estimée. On valorise les familles bovines ayant donné des individus à la robe claire, sans taches, dotés d’une silhouette allongée, d’une belle harmonie corporelle, de cornes longues et symétriques, et d’une bosse proéminente, gage de vigueur et de noblesse. La robe blanche, immaculée, est particulièrement recherchée : elle symbolise pureté, distinction et visibilité dans les grands troupeaux.

Du côté paternel, l’animal qui a engendré le veau ne doit pas être de nature fugueuse (Ndudoori ). Cette fugacité est mal vue, car elle est perçue comme un défaut de stabilité, d’attachement au troupeau, et donc de fiabilité dans la transmission des qualités pastorales. Un taureau qui s’échappe souvent est jugé difficile à maîtriser, et ses descendants risquent d’hériter d’un tempérament peu compatible avec les exigences de la transhumance contrôlée.

Le choix du géniteur ne vise donc pas uniquement à assurer une reproduction efficace. Il s’agit aussi de garantir une forme d’excellence pastorale : conserver et améliorer les traits morphologiques, le comportement social du troupeau, mais aussi les codes esthétiques et symboliques valorisés dans l’univers peul.

Ce savoir-faire, transmis oralement, inscrit chaque taureau dans une généalogie animale aussi précise que celle des hommes. Il révèle la profondeur d’un art de l’élevage, où chaque bête devient un maillon de la mémoire, un reflet de la vision du monde des Peuls : où beauté, lignage et comportement sont les piliers d’un ordre pastoral hérité.

Daouda Dia Moussa