Je ne mettrai pas mes enfants à l’école le jour de l’Aïd – et je n’ai pas à m’en excuser

Chaque année, à l’occasion des grandes fêtes religieuses non chrétiennes comme l’Aïd ou Hanouka, des milliers de familles belges se retrouvent face à un dilemme silencieux : faire vivre leur foi en famille ou respecter un calendrier scolaire qui ne reconnaît pas leur réalité. Pourquoi ne pas inscrire un droit simple et juste – un ou deux jours d’absence par an pour raisons religieuses – dans notre système éducatif ? Dans cette tribune, je partage mon expérience de père d’élèves et j’appelle les autorités à faire un pas vers plus d’égalité, de respect et de cohérence.

DIASPORA

Roufaou Oumarou

6/4/20253 min read

Plaidoyer pour la reconnaissance d’un droit à l’absence scolaire pour raisons religieuses en Belgique

En tant que père de deux enfants scolarisés dans l’enseignement primaire en Fédération Wallonie-Bruxelles, je souhaite interpeller les autorités et la société sur une réalité vécue, chaque année, par des milliers de familles issues des communautés non chrétiennes.

Cette année encore, l’Aïd al-Adha – l’une des fêtes religieuses les plus importantes pour les musulmans – tombera en pleine période scolaire, le vendredi 6 juin 2025. Comme à chaque fois, les parents musulmans sont confrontés à un choix douloureux : envoyer leurs enfants à l’école pour ne pas « perturber » le parcours scolaire, ou les garder à la maison pour célébrer une fête sacrée en famille, au risque de s'attirer un procès en communautarisme.

En Belgique, il y a 10 jours fériés officiels par année, dont 6 sont de nature religieuse. Il s'agit du lundi de Pâques, de l'Ascension, de la Pentecôte, du lundi de Pentecôte, de l'Assomption et de la Toussaint. Ces fêtes chrétiennes sont des jours fériés reconnus et respectés par l’État, à juste titre compte tenu de l'Histoire du Royaume. À l’inverse, les fêtes religieuses comme l’Aïd al-Fitr, l’Aïd al-Adha, Hanouka ou le Nouvel An chinois ne sont pas officiellement prises en compte dans le calendrier scolaire. Résultat : les parents et les écoles sont laissés seuls face à un dilemme récurrent, et trop souvent, les absences de ces enfants doivent être justifiées par des prétextes détournés, ce qui ajoute à l’hypocrisie ambiante.

Pourquoi ne pas reconnaître officiellement un ou deux jours d'absence par an pour raisons religieuses ?

  1. Une question de justice et d’égalité
    Dans une société démocratique et multiculturelle, chaque citoyen devrait pouvoir exercer librement ses droits spirituels, quels que soient ses convictions. Accorder aux familles la possibilité de garder leurs enfants à la maison un ou deux jours par an pour des raisons religieuses, c’est reconnaître l’égalité de traitement entre les traditions chrétiennes, juives, musulmanes, bouddhistes ou autres. Ce n’est pas un privilège, c’est une réparation d’un déséquilibre ancien.

  2. Un signe de tolérance et de respect
    La Belgique est fière de sa diversité culturelle et religieuse. Faire place aux fêtes des autres, c’est promouvoir une vision apaisée de la citoyenneté. C’est apprendre dès le plus jeune âge à nos enfants que la foi et la culture des autres ne sont pas des obstacles, mais des richesses à respecter.

  3. Moins de mensonges, plus de vérité
    Chaque année, combien de parents sont contraints d’inventer une « grippe » ou un « rendez-vous médical » pour permettre à leurs enfants de célébrer une fête familiale ? Cette situation pousse les familles, les enseignants et les directions d’école à collaborer dans un système de non-dits. Offrir un cadre officiel éviterait ces contorsions et renforcerait la transparence entre tous les acteurs scolaires.

  4. Préserver l’intégrité des enseignants et travailleurs
    Le débat ne concerne pas uniquement les élèves. Des enseignants et fonctionnaires issus de ces mêmes communautés se trouvent également face à un conflit intérieur entre loyauté professionnelle et fidélité à leurs convictions. Un système de congé officiel ou d’absence autorisée leur permettrait de vivre leur foi sans culpabilité ni conflit.

Ma position de parent

Pour toutes ces raisons, j’ai décidé, en tant que père, de ne pas envoyer mes enfants à l’école pendant les deux grandes fêtes religieuses de l’année. C’est un choix de cohérence et de fidélité à mes valeurs, mais aussi un sens du devoir vis-à-vis de mes enfants et de leur héritage. Mais je refuse que ce choix soit perçu comme un incivisme, une marginalité ou un geste de communautarisme. J’appelle donc l’État belge, et particulièrement la Fédération Wallonie-Bruxelles, à instituer un droit reconnu à un ou deux jours d’absence scolaire justifiée par an pour raisons religieuses, pour tous les enfants, indépendamment de leur croyance.

Ce serait un pas de plus vers une société plus juste, plus respectueuse, et plus fidèle à ses principes de liberté de conscience et de pluralisme.

Roufaou Oumarou