COMMENT LES EVANGELICALS AMERICAINS ONT NOYAUTE ET TUE INTELLECTUELLEMENT LES LANGUES BAMILEKE

Patrice Nganang tire la sonnette d’alarme : derrière le vernis de la science linguistique, la SIL – bras religieux des évangéliques américains – a orchestré une entreprise de domination spirituelle et culturelle au Cameroun. Résultat : les langues bamiléké, privées d’outils d’expression intellectuelle, sont aujourd’hui réduites à de simples véhicules de catéchèse.

Patrice Nganang

5/11/20252 min read

D'abord, je dirai ceci: je suis docteur en linguistique appliquée à la littérature comparée, avec dix ans de phonétique dans ma formation. Cette histoire que je vais raconter, c’est une histoire plutôt honteuse qui se cache derrière un signe, ‘SIL’ – qui comme signe a la capacité d’être entendu comme représentant une organisation scientifique, car ‘SIL’ veut mot-à-mot dire ‘Société Internationale de Linguistique.’ Mais en fait, c’est un nom mal choisi, car cette ‘société’ n’a rien à voir avec la recherche scientifique, ni d’ailleurs avec les universités. Elle est plutôt une officine des evangelicals américains, c'est donc une ONG évangeliste, dont

1) le but est la traduction et la dissémination de la Bible,

2) son focus étant les langues minoritaires, c’est-à-dire les langues dont le nombre de locuteurs est réduit. Ici, bien évidemment les langues bamiléké entrent en jeu, car nous avons des langues qui sont parlées par des petits groupes.

3) et l’instrument c’est l’écriture phonétique qui leur permet de transcrire, je redis, pas d'écrire en ces langues mais de les transcrire, et donc de traduire la Bible dans celles-ci

La SIL est une organisation crée en 1934 à Dallas, au Texas, et qui entre-temps a changé de nom, car évidemment elle ne pouvait pas continuer de se réclamer scientifique, quand en fait elle est plutôt une organisation religieuse. Elle est donc arrivée à Bangangté en 1985, sous la houlette de quatre Blancs qui sont Dr. Weismann, Olive Shell, Elisabeth Gfeller et Helen M.F. Wilson qui, avec Francois Nkuilang, Paul Tchakounte, Pierre Mopelt Mbetbo, etc., ont écrit le premier syllabaire utilisant l’écriture phonétique, et l’ont mis en branle à travers la chorale de l’église évangélique de Bangangté, dont François Nkuilang était le moniteur. Ces détails sont importants, car ils marquent les débuts de ce qui deviendra une entreprise camerounaise, quand le fe’fe se mettra sur la route du medumba, et bientôt toutes les langues camerounaises avec, au point d’imposer l’écriture phonétique, et l’AGLC (l’Alphabet Général des Langues Camerounaises), la transcription donc, et pas l'écriture, à celles-ci. Le ‘succès’ de cette entreprise évangélique au Cameroun est tel qu’aujourd’hui, ils ont mis à leur tête un Camerounais, un Bamiléké d’ailleurs, Michel Kenmogne. Le piège dans lequel nos langues est tombé est profond, très profond, car aujourd'hui la phonétique est ce qu'on enseigne aux enfants de la maternelle, et pas l'écriture en leur langues, et le prix que nous payons, c’est l’effacement intellectuel de celles-ci, car de 1985 à aujourd’hui, rien d’intellectuellement sérieux n’a été produit en nos langues, rien du tout, absolument rien, sinon uniquement des syllabaires, des syllabaires et des syllabaires. Et les plus profondément atteints par ce poison ici, ce sont évidemment les langues bamiléké, et en premier, le medumba où tout cela a commencé.

Les activités de la SIL ont été interdites et la SIL a été expulsée par les gouvernements des pays suivants, pour utilisation de la science pour cacher ses activités religieuses :

  • Mexique – 1979

  • Équateur – 1980

  • Brésil

  • Panama

  • Colombie

  • Pérou

Il s’agit d’un véritable meurtre intellectuel de nos langues, par la ‘SIL’ : https://fr.wikipedia.org/wiki/SIL_International

Tanu