Cameroun : Le cri d’un cœur brisé face à l’échec de l’opposition
Dans ce cri de désespoir, Madame Nicole Bitegni a Ndiomo, ancienne camarade du CES de Meiganga et aujourd’hui résidant à Yoko, partage une réflexion poignante sur l'état alarmant de l'opposition camerounaise. Face à la répression persistante du régime de Paul Biya et à l’isolement croissant des partis politiques, elle lance un appel douloureux à la solidarité, à la dignité retrouvée, et à la conscience commune. Un texte fort, écrit par une femme révoltée, blessée, mais encore animée par une lueur d’espoir pour le Cameroun.
CAMEROUN
Nicole Bitegni a Ndiomo
6/8/20253 min read
Je suis plus militante d'un parti politique, mais je suis une citoyenne active dans la vie associative, qui essaie de ne pas se laisser corrompre par le parti au pouvoir, le RDPC. Inscrite sur les listes électorales et votant contre le RDPC à chaque élection, j'essaie de participer ponctuellement à des activités politiques s'il me semble utilile pour changer positivement le Cameroun. Mais je me sens de plus en plus désespéréé...
J’écris conc ces lignes avec une douleur profonde, celle qui naît de l’impuissance face à l’injustice, mais aussi de la désillusion face à ceux et celles qui auraient dû être les porteurs et porteuses d’espoir. Je regarde, avec un mélange de tristesse et de révolte, l’opposition camerounaise se déchirer, se méfier, s’ignorer, alors même que notre peuple continue de subir le joug étouffant d’un régime aussi incompétent qu'implacable, qui s’accroche au pouvoir depuis 43 très longues années.
Rien qu’entre mai et ce jour en juin 2025, la presse et les réseaux sociaux nous ont informé des meetings pacifiques du SDF, prévus dans le cadre du 35e anniversaire du parti, qui ont été interdits dans plusieurs localités du pays, comme à Obala ici à côté. Une répression aussi brutale que manifestement illégale. Le SDF a protesté, a crié son indignation, mais dans le vide. Aucune solidarité franche des autres partis politiques. Un silence glaçant, comme si cette répression n’était qu’un problème du SDF, alors qu’elle devrait tous et toutes nous révolter. Comme si les balles de la dictature faisaient le tri selon les couleurs politiques.
Aujourd’hui, 8 juin 2025, j’apprends que le MRC est victime, une fois de plus, du même traitement, cette fois à Douala. Et là encore, aucun écho fort venant d’autres forces politiques ou d’organisations de la société civile. C’est ce silence, cette indifférence qui me désespèrent plus encore que la répression elle-même. Car ils révèlent à quel point la conscience d’une lutte commune s’est éteinte.
Tous les partis ont souffert, ou souffrent encore : PCRN, UPC, le mouvement Stand Up for Cameroun avec Kah Wallah… La répression n’épargne personne. Mais chaque fois, le parti attaqué se retrouve seul, face à la brutalité du régime. Pourtant, dans les prisons infectes du régime Biya, croupissent des centaines de militantes et militants de tous bords. Et malgré cela, aucun front uni pour exiger, ensemble, leur libération. Pas de voix collective, pas d’engagement commun.
Pire encore, nous assistons à des scènes indignes : accusations mutuelles, calomnies, insultes sur les réseaux sociaux. Le régime n’avait pas besoin de se fatiguer pour nous diviser. Nous l’avons fait nous-mêmes, avec une efficacité qu’il n’aurait sans doute même pas imaginée. Moi je vais plus dans les réseaux sociaux pour la politque, car j'en ai marre.
Je suis profondément triste. Parce que 2025 aurait pu être une année de rupture, une année d’espérance. Mais comment espérer encore quand celles et ceux qui devraient unir leurs forces pour sauver ce pays préfèrent s’entre-déchirer ? Comment construire l’alternance si, entre partis d’opposition, il ne subsiste que rancune, mépris et isolement ?
Je n’ai pas de solution magique. Mais je crois que le premier pas vers une sortie de cette impasse est le respect. Respect de l’autre, même dans la différence. Respect de chaque militant emprisonné, quelle que soit sa bannière. Il faut cesser les insultes, les procès d’intention, et retrouver le sens de l’essentiel : notre combat est un combat commun.
Il est encore temps. Peut-être. Mais ce temps est compté. Et si nous ne réapprenons pas à nous soutenir, à affirmer haut et fort que toute répression contre un parti est une répression contre nous toutes et tous, alors nous aurons trahi non seulement nos convictions, mais aussi les souffrances et les espoirs du peuple camerounais.
Par Nicole Bitegni a Ndiomo
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